Le 11 Août 2008, 7 touaregs descendent du TGV à Guingamp. Ces visiteurs inhabituels viennent tout droit d'Aderbissinat, une petite commune du Niger, aux portes du Sahara. Les 6 jeunes nigériens sont venus dans le cadre de la coopération décentralisée entre la Communauté de Communes de Guingamp (CDC) et et la commune d'Aderbissinat. Cette coopération est ici centrée sur la jeunesse. Elle a comme objectif d'échanger sur les traditions, les différents modes de communications : oral et écrit et de créer un premier contact entre les deux populations afin de réfléchir ensemble sur la façon de monter un projet.
Aderbissinat est donc une commune nouvellement créée au Niger, sa population est aussi nombreuse que celle de la CDC mais elle est répartie sur un territoire grand comme la Bretagne. Ce territoire aride est donc faiblement peuplé, les touaregs qui y vivent sont traditionnellement des éleveurs nomades mais beaucoup se sédentarisent et pratiquent l'agriculture car la désertification galopante ne permet plus la vie nomade. Cette commune se trouve dans la région d'Agadez au Nord du Niger, c'est la plus grande mais aussi la plus pauvre du pays. Cette région est peuplée essentiellement par l'ethnie des touaregs et elle était auparavant assez touristique mais il y a un an, la rébellion a éclaté. Le MNJ (Mouvement Nigérien pour la Justice) s'est rebellé contre l'État nigérien car il estime que celui-ci, qui exploite les ressources naturelles de la région, surtout de l'uranium, ne redistribue pas assez d'argent aux populations touarègues locales. Les étrangers ne sont donc pas autorisés à se rendre dans cette région.
Durant deux semaines, j'ai donc accueilli Harouna et Hama chez moi. Harouna a 18 ans et est en première au lycée d'Agadez, Hama quant à lui a 19 ans et est en 4ème au collège d'Aderbissinat. Ces jeunes venant d'une région isolé où tous n'ont pas accès à l'eau courante et à l'électricité venait pour la première fois en France. Ils se sont pourtant très vite adaptés, ils se sont intéressés à de nombreuses choses et ont été très ouverts.
Le jour suivant leur arrivée, nous avons visités Ploumagoar et la première chose qu'ils ont remarqués est l'absence de monde dans les rues. Chez eux, il y a toujours des gens dans les rues, les jeunes et moins jeunes sortent des chaises dehors, font du thé et discutent entre eux. Les personnes passant par là peuvent s'arrêter et participer aux discussions. Ces rassemblement très populaires au Niger sont appelés les fadas. La propreté des rues les a aussi beaucoup impressionné car en Afrique, tout le monde jette ses ordure et surtout ses sacs en plastiques par terre , cette accumulation de sac est curieusement et malheureusement l'une des choses que l'on remarque en premier en arrivant au Niger. Dans la commune, ils ont aussi visité la médiathèque, ils l'ont trouvé beaucoup plus riche que la bibliothèque d'Aderbissinat ou d'Agadez car hormis la pauvreté, le sable rend très difficile la conservation des ouvrages. Mais avant tout, les touaregs se sont intéressés aux ordinateurs de la médiathèque, certains d'entre eux n'en avaient jamais touchés car chez eux, les ordinateurs sont rares et les enfants n'ont pas le droit de s'en approcher. Nous avons aussi visité une ferme sur le territoire de la commune. Les nigériens y ont bien sûr découvert les machines de traite mais surtout un élevage de poules contenant plus de 2000 volailles. Voir autant d'animaux élevés dans un même bâtiment les a bien sûr surpris car chez eux les poulaillers sont essentiellement destinés à la consommation personnelle et les grands élevages de chèvres ou de vaches vivent à l'air libre, les bergers se déplaçant parfois très loin avec leurs bêtes.
Au cours de ce séjour, nos visiteurs semblaient très intéressés par la tradition bretonne. Ils ont adorés les danses, les chants et les costumes bretons. Ils ont d'ailleurs été désolés de voir qu'aucun de nous ne parlait breton car ils nous ont appris quelques mots et expressions Tamajaq. Le Tamajaq est leur langue maternelle, la langue de leur peuple. Il possède son propre alphabet : le Tifinagh. Les touaregs ont une très forte identité culturelle. En effet les touaregs sont une minorité dans tous les pays où ils vivent, ils doivent donc souvent lutter pour préserver leurs traditions et leur culture, ils attachent donc beaucoup d'importance à la traditions et à l'identité des gens qu'ils rencontrent. Cette lutte des touaregs pour défendre leurs intérêts passe parfois par le conflit armé car si les membres armés du MNJ ne sont pas très nombreux, ils reçoivent le soutient de toute la population de la région.
La tradition touarègue est donc essentiellement orale, il existe de nombreux contes et histoires racontant la naissance de leurs culture ainsi que la ruse de leurs héros. Ainsi leur alphabet, le Tifinagh, aurait été inventé par Amerolqis, pour pouvoir échanger des messages galants et secrets avec les femmes qu'il avait séduites. Il existe ainsi de nombreux contes qui se transmettent des grands parents aux enfants le soir lors des veillées. Il y a aussi des danses rythmées par la voix des hommes et le djembé des femmes car là bas se sont les femmes qui jouent des instruments de musique et les hommes qui chantent et dansent.
Avec les jeunes d'Aderbissinat nous avons donc connu une nouvelle culture mais aussi redécouvert la nôtre grâce à un regard neuf et étranger. Nous avons rapidement créés des liens très forts entre le groupe de jeune nigérien et de jeunes français mais aussi entre les nigériens et les familles. Nous échangeons alors des nouvelles par email où sur le blog http://www.aderbissinatguingamp.blogspot.com qui relate aussi certains événements du séjour. Notre échange à donc été très enrichissant et nous espérons bien sur nous revoir un jour, en France ou au Niger.
